mercredi 29 avril 2009

Grippe mexicaine : le diagnostic virologique se met en place.



C'est fait : le virus émergent a ses papiers à jour, il est appelé A/H1N1/California/04/2009.

Pourquoi California ? C'est probablement dans cet état américain que le virus a été isolé selon les techniques standards. Dans la foulée, l'Institut de veille sanitaire a mis à jour la définition d'un cas de grippe mexicaine (Doc 1) ainsi que la conduite à tenir en cas de suspicion (Doc 2).
Les épidémiologistes distinguent le cas probable du cas possible selon des critères précis qui sont détaillés dans les documents pointés ci-dessus. Ce qui retient notre attention, à nous autres biologistes, c'est qu'un cas probable devient un cas possible ou l'est d'emblée si la PCR grippe A sur un écouvillon naso-pharyngé est positive.

L'exploration virologique d'un cas probable est expliquée dans le Doc 2 : les écouvillons doivent être envoyés sous triple emballage au laboratoire de virologie disposant d'un P3 le plus proche. Une vingtaine de laboratoires (tous CHU ou Institut Pasteur) sont habilités à recevoir ces prélèvement, leur liste est indiquée en annexe du Doc 2. Ces laboratoires recoivent les échantillons 24h/24 et 7j/7 et sur demande de l'InVS, peuvent réaliser une analyse la nuit.

Comme je l'avais signalé dans mon billet précédent, la spécificité des techniques PCR grippe A commerciales pour le virus émergent n'était pas connue. Les fournisseurs ont donc dû aussi travailler durant les dernières 48h. Ils ont comparé la séquence des primers utilisés et des sondes à celle du virus émergent. Par exemple, un fournisseur affirme que le primer reverse et la sonde "matchent" à 100% avec le virus, le primer forward présente un seul mismatch (1 nucléotide de différent). Sa technique PCR devrait donc fonctionner à peu près correctement : encore qu'il faudrait en être certains ! (c'est le rôle des CNR grippe Paris et Lyon). L'autre question est l'origine de la séquence du virus testée par les fournisseurs : elle a peut-être était fournie par les américains puisque c'est eux qui auraient isolé la première souche H1N1.
Par ailleurs, les virologues estiment qu'il y eu un petit coup de pouce du destin dans cette histoire car l'émergence de H1N1 a eu lieu alors que l'épidémie de grippe "classique" s'est éteinte. Dans le cas contraire et avec les outils actuels, il aurait été très difficile de distinguer les deux souches, retardant ainsi la détection du risque potentiel de pandémie.
Sur un plan biologique les prochaines étapes à franchir seront : d'abord la mise en place d'une méthode de PCR pour détecter le virus, puis d'une méthode de dosage des anticorps anti-H1N1 (ELISA). L'isolement virologique étant en bien entendu en cours. Ces outils seront indispensables pour la mise en place d'un vaccin anti-H1N1.
GdM



lundi 27 avril 2009

Grippe porcine : les sources d'informations professionnelles

Les professionnels de la santé en général et les biologistes en particulier sont confrontés à demandes d'informations de la part des patients mais également de leur entourage professionnel et/ou familial. Pour l'instant, il n'y a pas encore de canal d'information unique à destination des praticiens. Les choses se mettent en place progressivement entre les DDASS, préfectures, ministère de la santé, InVS et le centre de référence de Lyon.
L'exploration virologique des patients suspects est réalisée par certains laboratoires spécialisés : il s'agit pour l'instant d'une RT-PCR sur un écouvillonage nasal et/ou de gorge pour définir si le virus influezae est de type A ou B. Il reste le problème de la spécificité de cette méthode à régler : la RT-PCR utilisée en routine n'a pas encore été validée sur le virus H1N1 de la grippe porcine. Il reviendrait au centre national de référence de la grippe de Lyon (ou au CDC d'Atlanta !) d'apporter une réponse à cette question, il se peut même qu'il soit chargé de contrôler les échantillons suspects.
Pour les biologistes qui souhaitent rester informés sur la questions, plusieurs sites institutionnels sont disponibles, ils permettent de suivre l'information mais également d'obtenir des documents de références sur le virus et les procédures mises en place.
- Le Ministère de la santé : rubrique Alertes sanitaires (à gauche, en rouge), il ya également la possibilité de s'abonner à une lettre d'information appelée DGS-Urgent
- L' institut de veille sanitaire : rubriques Actualités,
- L'OMS : pavé Grippe porcine,
- Le Quai d'Orsay : pour les conseils aux voyageurs.
Bien entendu, l'épidémie de grippe porcine s'en donne déja à coeur joie sur internet puisque l'article de Wikipedia est pris d'assaut : si vous voulez assister en direct au développement d'un article de la célèbre encyclopédie, allez-y ! Les blogs et autres articles fleurissent comme coqulicots au printemps, avec plus ou moins de pertinence : s'il y en a un que je vous recommande, ce serait celui de Francis Pisani, toujours très en pointe sur les infinies possibilités du net.
Le téléphone sonne.....
"Non Madame, je n'ai pas de masques, ni de Tamiflu. Non plus, le test dont vous me parlez est utilisé pour les angines, il ne marche pas pour la grippe. Mais je vous en prie. Au revoir, Madame".
Allez, au boulot. Pandémie ou pas, je dois finir de valider et de rédiger la procédure Bioqualité que j'avais promise pour la semaine dernière.
GdM
PS : pour les anglophones, la grippe porcine se dit "swine flu", bon surf !

mercredi 22 avril 2009

ISO 15189 : quelles conséquences ?


Le débat est ouvert depuis longtemps dans la profession mais à mesure que l'échéance de l'accréditation obligatoire approche, le "stress" monte. En effet, la priorité était jusqu'à présent l'ouverture du capital mais aujourd'hui c'est LE problème qui vient au premier plan.

Ainsi le Dr Cohen, président du SNMB, dans un récent entretien à OptionBio, soutien que l'accréditation est puissant vecteur de la restructuration de la profession souhaitée par le ministère. Selon lui, le CA des laboratoires sera soumis simultanément à la baisse des recettes imposée par la réforme Ballereau (- 260 M€ sur deux ans) et par la lourde charge financière induite par l'accréditation. Il en résulterait une diminution drastique du nombre de laboratoires et donc de l'emploi, y compris dans le secteur hospitalier.

Voici aussi in extenso le commentaire d'Alain qui donne un éclairage instructif sur la situation :

"Ainsi que je l'ai déjà dit et par expérience, je voudrais aussi attirer l'attention des nombreux Confrères qui lisent ce blog sur l'immense difficulté et le coût de la mise en place de cette norme, ce que dénonce et je suis bien d'accord avec lui, le président COHEN du SNMB.
Il y a environ 4 ans, nous avions décidé d'être accrédité sur ce modèle ISO 15189, accompagnés dans cette démarche par l'APAVE Santé. Nous avons renoncé à poursuivre dans cette voie tant le coût d'accompagnement, du temps de travail à dégager pour le personnel étaient trop élevés. Nous nous sommes réorientés vers la norme ISO 9001 qui qualifie réellement le service que nous rendons à nos patients. Et je crois, nos enquêtes de satisfaction clientèle sont là pour nous le prouver, que c'est cela que les clients patients attendent d'un labo. Attention, la norme ISO 9001 ne fait pas l'impasse sur la qualité des analyses mais cette norme qualifie vraiment la globalité du fonctionnement de l'entreprise dans le sens de la satisfaction client alors que la norme ISO 15189, même si elle reprend ces aspects de service et satisfaction clientèle est beaucoup plus exigente dans la métrologie et le suivi des instruments d'où son extrême lourdeur.
Un autre aspect à ne pas négliger est l'apparition prochaine, j'en suis persuadé, de tout un tas d'officines de conseil en Management de la Qualité, genre : "obtenez votre accréditation ISO 15189 en 6 mois (voir moins) grâce à notre équipe de spécialistes etc. etc." Officines dont les conseils seront loin d'être gratuits et qui pourront se prévaloir de quelle expérience ?
Je crois que là encore, on fait vraiment fausse route et si le décret entérine l'obligation de la norme ISO 15189, cela fera vraiment beaucoup de dégâts dans la profession.
Et puis la Qualité, il ne faudrait pas que cela devienne un fourre tout derrière lequel tout le monde se retranche. Avez vous vu les systèmes de certification des établissements de soins hôpitaux et cliniques ? Cela n'a rien à voir avec ce que l'on nous demande en biologie médicale, mais l'effet auprès des patients est le même : "ah ils sont certifiés, donc ils sont bons !"
Et bien, moi je ne suis vraiment pas d'accord avec cela et la certification des établissements de soins, même si elle demande du travail aux équipes (qui préféreraient certainement s'occuper de leurs patients) et prouve une prise de conscience de ces mêmes équipes à la qualité des soins, ne représente pas la même chose que la certification ISO 9001 ou l'accréditation ISO 15189. Il serait peut être bien que cela se sache, non ? "

Pour compléter le propos d'Alain, j'ajoute que :

- les biologistes sont les premiers professionnels de santé à qui une norme ISO est imposée sans contre-partie évidente,
- la lourdeur de cette norme (qui est rappellons-le une norme professionnelle et non pas générale) vient de deux exigences : la métrologie et la validation des méthodes.

Por ma part, sachant que je n'aurais pas le choix, c'est la norme ou la fermeture de mon labo, je vais mettre la pression sur mes fournisseurs pour obtenir le maximum d'aide pour ces deux exigences car s'ils me vendent leurs méthodes et automates, ils ont leur part de fardeau à supporter.
A bon entendeur salut.

GdM


vendredi 17 avril 2009

Loi HPST : L'Appel des 25 Professeurs.

Le passage de la loi HPST devant le Sénat fait s'agiter la communauté hospitalo-universitaire et en première lignes les grands patrons parisiens*. Dans un texte publié cette semaine dans le Nouvel Observateur et intitulé : "Contre la mort de l'hôpital public : l'appel des 25", les celèbres PU-PH taclent sévèrement "la loi Bachelot" et accuse la Ministre de fouler l'héritage du Pr Robert Debré. Madame Bachelot leur répond point par point sur Figaro.fr.

Au vu des nombreuses réactions suscitées par l'article, l'impact médiatique est en faveur de médecins. Beaucoup de patients ont reconnu un ou des praticiens dans la liste et ont ainsi apporté leur soutien à l'appel (7640 signataires en 24h).

Restent plusieurs questions : quelle est la réaction des autres patrons "de province" ? soutiennent-ils leur confrères parisiens ? cet appel aura-t-il un impact sur les sénateurs (ou exprimé autrement : aurait-il plutôt du être fait pendant le passage devant l'Assemblée nationale ?) la journée du 28 avril sera-t-elle suivie ?

Concernant la dernière question, il y a déja un élément de réponse : les fédérations santé des syndicats (CGT, CFDT, FO...etc) ne suivront probablement pas le mouvement car ils ne souhaitent pas éparpiller leurs forces avant le rassemblement historiquement unitaire prévu trois jours après : le 1er mai.

GdM


*Le titre du post aurait pu être : le Serment des 25 Mandarins. Mais à l'heure où la célèbre pipe de Tati est censurée dans le métro parisien, cet humour de salle de garde (que j'ai beaucoup pratiqué) ne passe plus vraiment.

jeudi 16 avril 2009

Loi HPST : passage devant le Sénat à partir du 11 mai 2009.

L'Assemblée nationale a transmis le texte HPST au sénat le 18 mars dernier. Il porte le n°290 et le dossier peut être consulté sur le site du Sénat. Le repporteur du texte est le Sénateur Alain Milon, médecin de formation.
La discussion en séance publique est prévue les 11, 12, 13, 14, 15, 19 et 20 mai 2009 mais en attendant la commission des affaires sociale a mené ses propres travaux sur la question et a notamment auditionné plusieurs personnalités concernées par le dossier (essentiellement la direction de l'HAS et des hospitaliers).
Mme Bachelot a été invitée par la commission le 7 avril dernier, et dans le long compte-rendu de l'audition il n'y a eu que quelques lignes concernant la biologie, que voici :

"Enfin, concernant la réforme des laboratoires de biologie médicale, l'enjeu est de médicaliser et de préserver l'indépendance de cette profession et ce, sous la pression du droit communautaire. Il serait utile que la commission sache où en est l'élaboration du texte de l'ordonnance sur cette question."

D'après le texte, les propos sont attribués au rapporteur. Sans tomber dans l'interprétation basique, le Sénat a donc perçu les principaux problèmes actuels de la profession : l'indépendance des laboratoires et le "conflit juridique" européen. Il en a perçu un troisième, celui de la rédaction de l'ordonnance. D'après les Syndicats, les discussions avec le ministère sont âpres et l'ordonnance en serait à sa 70ème version. Le Sénat souhaiterait donc avant de voter, avoir une idée précise de son contenu. Cela relève en effet du bon sens.

Cependant, les sénateurs ne vont pas traîner longtemps sur la biologie, car ils vont être très très sollicités par le volet hospitalier public. Les nouvelles règles de pilotage des CHU commencent à faire du remous parmi les praticiens hospitaliers publics et une journée d'action est même prévue le 28 avril. Dans ce contexte tumultueux, la biologie aura le statut de dossier "minoritaire" et il faudra donc que les représentants de la profession soient vigilants pour que des dispositions de dernière minute ne viennent pas dénaturer le texte initial.

GdM

PS : Sur les 4000 labos, seulement 150 seraient accrédités soit moins de 4%. Comment accréditer les 96% en 3 + 3 ans ? Plus j'y réfléchis, plus je me dis que ce sera difficile. J'aimerai avoir l'avis des confrères/consoeurs à ce sujet.




vendredi 3 avril 2009

Le calme après la tempête.

Lundi 18 août 2008, le titre de mon premier post était : "Le calme avant la tempête" et en effet les 7 mois qui ont suivi ont été particulièrement mouvementés. Mais ce n'est que partie remise, nous sommes dans l'oeil du cyclone, où règne un faux calme car la profession va rentrer à nouveau dans une nouvelle zone de turbulences.
Je vous rapporte ci-dessous la contribution d'un confrère, Alain, fidèle lecteur et contributeur du blog et que je remercie au passage :
"Bonjour à tous,
Après l'effervescence de ces derniers mois, tout redevient calme...Sensation bizarre, attente de ce décret dont on se demande bien ce qu'il va contenir. Dans quel délai sera-t-il publié ? Quel sera son contenu ? Quelle niveau d'accréditation exigera-t-on de nous ?
Pour moi et comme je l'avais dit dans un précédent post, l'abandon de l'ouverture du capital est certes une victoire importante mais la profession risque de vivre des années difficiles avec cette accréditation d'un niveau si élevée que nombre d'entre nous s'y casseront les dents et cette baisse continue de nos tarifs...Pas mal de projets de restructuration dans la profession en ce moment et Jean Bégué qui nous alerte sur le respect de la Convention Collective via le site du SDB, qu'est ce que cela veut dire ?
J'espère que les Confrères garderont une attitude sensée dans tous ces projets et que notre personnel n'aura pas trop à souffrir de ces réformes, mais malheureusement, je crains qu'il y ait "de la casse". Cela d'ailleurs entraînera également des coûts parfois très lourds pour nos entreprises car les licenciements économiques sont loins d'être anodins sur le plan financier. Bon courage à tous "

Attendons de voir le contenu du décret. L'ouverture du capital c'est un peu l'arbre qui cachait la forêt mais la profession n'avait pas le choix si elle voulait garder encore la main sur son outils de travail. Nous savions tous que derrière il y allait avoir une énorme couleuvre à avaler : l'accréditation.
Nous venons de faire au laboratoire notre première revue de direction et mes amis, il va y avoir du sport pour reprendre le refrain d'un célèbre groupe de rap du neuf trois. Quand je pense que l'HAS vient d'imposer l'utilisation d'un simple "check-list" dans les blocs opératoires histoire d'éviter d'ouvrir du mauvais côté, je me dis qu'on vit une époque formidable.
GdM.
PS : Quelqu'un sait-il d'ailleurs quelle est la part des erreurs de laboratoires dans l'ensemble des erreurs médicales ? Il faudrait bien sûr ramener les chiffres au nombre d'actes et au nombre de praticiens...voilà un (bon?) sujet de mémoire pour un-e Interne ou ...un-e stagiaire de l'Ecole de Rennes.