mercredi 28 octobre 2009

L'Ordonnance de la biologie : vers une (grosse) pilule amère ?

Aux alentours du 20 janvier 2010 devrait sortir l'Ordonnance qui remplace la loi de 1975 et devenir ainsi le texte fondateur d'une "nouvelle" biologie médicale. C'est un des piliers de la loi HPST, voulu par Mme Bachelot et porté par M. Ballereau.
Avant de sortir, cette ordonnance fait l'objet d'âpres débats avec les syndicats, à tel point que plusieurs versions ont été rédigées. Au moins d'août puis au mois de septembre, deux versions de l'ordonnance ont filtré sur Internet mais elle seraient en fait déjà caduques puisqu'il manquerait certaines dispositions importantes. Et c'est justement cet aspect provisoire qui hérisse les cheveux des biologistes. Il n'y a rien de plus irritant que d'attendre des dispositions règlementaires qui vont conditionner un exercice professionnel d'autant plus que des rumeurs (et contre-vérités?) circulent sur un durcissement des conditions de cession et/ou de rachat des laboratoires. Rumeurs ou pas, la pilule prescrite par l'Ordonnance apparaît de plus en plus amère. Et il faudra en plus avaler la prochaine réduction de nomenclature qui devrait logiquement découler de l'examen du budget 2010 de la Sécu.
Les syndicats de biologistes, qui ont accès par fonction à la toute dernière version de l'ordonnance, ne devraient pas laisser planer un tel doute. Le site du SDB essaye bien, depuis début octobre, de faire de la pédagogie en explicitant les orientations générales de l'ordonnance mais les questions qui fâchent ne sont pas abordées. L'Ordre des pharmaciens s'est inquiété de certaines dispositions du projet mais n'est pas rentré dans le détail. Pour vraiment savoir si la pilule sera amère, il ne nous reste que quelques jours à attendre. En effet, le projet d'ordonnance devrait passer ce mois-ci devant le Conseil d'Etat...ou alors allons au JIB 2009, évènement organisé par le SDB himself.

GdM


mercredi 7 octobre 2009

Grippe A / H1N1pdm : selon Bayes, les tests rapides sont inutiles en situation de pandémie.

Suite à une discussion à bâtons rompus avec un brillant urgentiste qui se reconnaîtra (d'où l'intérêt du dialogue clinico-biologique), nous avons décidé, KW et votre serviteur, d'appliquer l'approche Bayesienne pour évaluer l'intérêt des tests rapides pour le diagnostic de la grippe.



Données : Nous avons utilisés les données publiés par l'équipe marseillaise dans le récent PLOS, à savoir une spécificité de 100% et une sensibilité à 63.1% pour le test immunochromatographique (pour rappel, la fourchette de spécificité de ces tests rapportée dans la littérature varie de 40 à 70%).



Méthode : L'approche est basée sur le théorème de Bayes qui permet d'estimer l'impact d'une information (le résultat d'un test diagnostic) sur une situation d'incertitude (le patient est-il malade ou non?). Nous nous n'étendrons pas sur les aspects théoriques de cette approche et leur application dans la décision médicale car d'autres s'y sont attelés avec succès par contre, nous recommandons à nos confrères biologistes de s'y intéresser de près car ces principes vont infuencer l'élaboration des futurs consensus/recommandations. Quelques liens sont fournis à la fin de l'article (merci Babaorum).



Donc selon Bayes, un test diagnostic est bon s'il permet au clinicien de diminuer son incertitude devant un patient donné. Ainsi, si avant le test, le patient à une probabilité d'être malade de 30%(proba pré-test), le test est utile si son résultat ramène cette probabilité (proba post-test) à 80%. Le test a donc augmenté la probabilité de diagnostic correct de 50%, il peut le faire à condition que son Ratio de Vraisemblance positif (RV+), calculé à partir de Spé et Se, soit égal à 10 (ou que son RV- soit égal à 0.1). En effet, d'après Bayes, la proba post-test se calcule par une équation qui tient compte de la proba pré-test (en pratique la prévalence de la maladie) et du RV. Nous comprenons donc que l'utilité d'un test ne dépend pas uniquement de sa Spé et Se mais aussi du contexte épidémiologique.



Nous avons donc repris les données marseillaises et calculé le RV- du test rapide utilisé et la probabilité post-test dans trois situations épidémiologiques différentes en utilisant un site de calcul Bayésien. Ce RV- estime la probabilité post-test que la patient n'ait pas la grippe H1N1 si le test est négatif, il est égal à 0.37 .



  • Situation 1 : la prévalence de la grippe est autour de 8% (92% des patients qui consultent n'ont pas la grippe), la probabilité post-test passe à 96.9%, soit un gain diagnostique de 4.7%


  • Situation 2 : la prévalence est à 30% (70% des patients seraient indemnes de H1N1), la probabilité post-test passe à 86.4% ; gain = 16.4%


  • Situation 3 : la prévalence est à 60% (pic pandémique, 40% de patients indemnes seulement), la probabilité post-test passe à 64.3% ; gain = 24.3%.


Dans tous les cas, y compris en situation pandémique, les tests rapides n'apportent pas un gain diagnostique suffisant (au moins +40/50%) et ne permettent pas d'affiner le jugement du clinicien.
La solution passe donc par l'amélioration de la spécificité des tests rapides (trop tard pour cette année !). Pour être efficaces et notamment dans la situation 2 intermédiaire, il faudrait qu'ils atteignent au moins une spécificité de 75% = cette information est cadeau pour les industriels.
Une autre alternative est l'utilisation de la RT-PCR mais là aussi les moyens ne sont pas suffisament dimensionnés.
KW et GdM
Bibliographie :

jeudi 1 octobre 2009

Grippe A/H1N1 : les tests rapides trop chers !

Dans mon précédent post, j'avais évoqué une expérience marseillaise de dépistage de la grippe basée sur une combinaison tests rapides + RT-PCR. Cette étude, plutôt bien menée, a permis d'évaluer les performances diagnostiques de la combinaison (ou accuracy en anglais, nouveau terme consacré par la littérature bio-médicale à ce sujet, si ça vous intéresse contactez KW, c'est lui le spécialiste) mais aussi de tester l'intérêt d'une organisation délocalisée. Elle a, comme il se doit, été publiée dans une revue à comité de lecture (PLOS).
En général, ce genre d'étude est discutée dans le Landerneau feutré des experts, parfois dans les couloirs d'un congrès ou, si ça vaut le coup, dans les staffs studieux de (certains) services de CHU. D'autres études viennent la compléter, la confirmer ou même l'infirmer ! C'est la routine scientifique. Mais cette fois-ci, ce n'est pas l'intérêt scientifique de l'étude qui a fait parler d'elle c'est plutôt son côté mercantile. Et ce n'est pas un obscur journal de microbiologie qui le relève mais le Canard Enchaîné ! Une complète nouveauté.
Les détails sont ensuite donnés par un article de la Provence : les premiers patients pris en charge par la nouvelle organisation ont été surpris par le prix des tests (283 euros, non remboursés). L'Hôpital marseillais arrête tout de suite l'expérience. Contacté par le journal, l'un des auteurs de l'article aurait déclaré :

"Je ne me suis pas rendu compte de l’importance de cette somme (283 euros). Et la secrétaire, au lieu de me dire "attention c’est trop cher", ne m’a rien dit".

Donc, si j'ai bien compris, pour mettre en place un nouveau test diagnostic, on réalise une étude sur 1000 patients, on s'entoure de toutes les précautions méthodologiques, on rédige un article, on essaie de le faire passer dans une revue. Une fois l'article publié, on laisse le soin aux secrétaires médicales de réaliser l'étude médico-économique afin de savoir si ce nouveau test est compatible avec les exigences du terrain.

Conclusion 1 : les secrétaires médicales devraient suivre un master spécialisé à Sciences Po,

Conclusion 2 : les articles c'est bien beau, mais comme le dit souvent KW, il faut être très prudent quant à leur utilité sur le terrain et ne pas oublier l'aspect financier,

Conclusion 3 : j'ai l'impression que les tests rapides ne seront pas remboursés de sitôt car les vaccins ont fait un trou dans le budget...


GdM
(va discuter avec les secrétaires)