jeudi 28 janvier 2010

Les débuts de la théranostique dans la Maladie d'Alzheimer.

Amis Biologistes, bonjour. Comme vous le savez (ou pas), j'exerce une activité de consultant spécialisé en diagnostic in vitro en plus de mes fonctions de biologiste. Bien qu'en ce moment, je sois très pris, comme vous tous, par le "big bang biologique", je poursuis ma veille documentaire et j'en profite, dans un moment volé, pour vous signaler une petite révolution (encore une) dans le secteur. Nous en entendons tous parler mais le concept n'est pas encore bien formalisé en France. 
Il s'agit de la théranostique. Un néologisme qui dérive de la contraction de thérapeutique et de diagnostic et que les anglo-saxons appellent theranostics. Ce terme remplace peu à peu le concept de  "médecine personnalisée" qui a fleuri entre 2008 et 2009 dans le Web 2.0 médical.
Qu'est-ce finalement ? C'est tout simplement l'utilisation du diagnostic in vitro pour orienter le traitement du patient. Devant une pathologie donnée, les cliniciens recherchent certains biomarqueurs qui informent sur les mécanismes physiopathologiques sous-jacents et permettent donc de choisir la ou les molécules les plus efficaces dans ce contexte.


Cette approche a commencé en cancérologie et explose aujourd'hui. J'y reviendrai dans un prochain post mais vous en avez tous entendu parler du dépistage des mutations de l'EGF-R avant d'utiliser les (coûteux) inhibiteurs des tyrosine-kinases. Et bien, c'est de la théranostique.


Cette approche fait tâche d'huile. En cardiologie, par exemple. Ainsi, les praticiens français contrôlent par un test au lit du malade (le VerifyNow) la sensibilité des plaquettes aux anti-agrégants avant d'entreprendre une coronarographie pour stenter une lésion coronarienne. SI le patient est résistant, les doses sont doublées afin d'éviter une thrombose sur le stent.


Depuis hier, ce concept est entré dans le champ des maladies dégénératives et notamment de la maladie d'Alzheimer grâce aux travaux de l'équipe du Pr Beaulieu. Dans la revue PNAS, elle rapporte qu'une protéine, FKBP52,  se lie à la forme pathologique d'une autre protéine, Tau, et l'empêche de s'accumuler pour former les lésions spécifiques de ces pathologies. Le plus intéressant est que le Pr Beaulieu estime que le dosage de FKBP2 permettra d'orienter le choix des thérapeutiques. Il reste encore beaucoup de travaux à réaliser mais cette avancée confirme que le concept de théranostique est en train de progresser dans tous les champs de la médecine.


Les industriels ne s'y sont pas trompés car l'industrie pharmaceutique et celle du diagnostic in vitro nouent des alliances (quand elles ne se rachètent pas) pour développer ce qu'ils appellent les "tests compagnons". Ils espèrent mettre au point pour chaque nouvelle molécule mise sur le marché un test diagnostic qui permettra de définir les conditions de son utilisation optimale. Si possible au lit du malade car on ne va tout de même pas donner du travail supplémentaire aux biologistes : ils sont overbookés jusqu'en 2016. C'est sûr ça ? Pas vraiment car d'après l'ordonnance, ils doivent avoir un oeil sur ce type de dispositifs.
Longue vie à la théranostique donc.



GdM























 



samedi 16 janvier 2010

BIG BANG BIOLOGIQUE

La ministre de la santé et des sports, Mme Roselyne BACHELOT-NARQUIN et le conseiller général des établissements de santé M. Michel BALLEREAU, ont l'immense plaisir d'annoncer la parution au Journal officiel du 15 janvier 2010 :

L'Ordonnance n° 2010-49 du 13 janvier 2010
relative à la biologie médicale
sous la référence NOR : SASX0927179R

Ce joli texte est accompagné d'un rapport au président de la République qu'il convient aux Amis biologistes de lire attentivement.
Les festivités sont déclarées officiellement ouvertes. Les âmes sentimentales pourront éventuellement avoir une pensée pour la loi de 1975 qui s'éteint dans la foulée.

Le départ est donc donné pour les 4000 laboratoires, combien serons-nous à l'arrivée ? Rendez-vous le 1er novembre 2016.

GdM


Pour 2010, choisissez votre camp.

Amis Biologistes, bonjour. Non, je n'ai pas pris comme résolution d'abandonner mon blog alors même que les experts du net ont decrété que le blogging est has been. Tant mieux, je suis plus à l'aise avec les antiquités. J'en profite pour vous souhaiter tant qu'il est encore temps une excellente année 2010. Quoiqu'il arrive sur le plan professionnel, soyez optimiste et gardez espoir car vous l'avez bien compris, dans quelques jours, la biologie médicale de Papa et Grand-Papa va être balayée. Cramponnez-vous, matelots, le navire tangue.
Pour rester dans la métaphore maritime, j'aimerai dire un mot au sujet des moussaillons. Certains, plus dégourdis que les autres sont sortis de la cale, inquiétés par la houle. Il y en a même qui sont monté à la vigie et qui ont vu arriver les gros nuages noirs. Ils ont interpellés les matelots, les lieutenants et même le capitaine. Vous l'avez compris, je parle des Internes et jeunes Biologistes. J'ai lu et entendu certaines réponses des anciens et je dois avouer que je n'ai pas toujours aimé leur ton et leur contenu, plutôt goguenard et paternaliste. Celui qui les a le plus entendu, soutenu et défendu est le Président de la section G du CNOP. Les plus jeunes ne l'ont pas oublié et c'est la raison pour laquelle, ils répondront présents lorsque le CNOP sera à son tour secoué comme un cocotier.
J'ai choisi mon camp : celui de la biologie médicale, du CNOP et des jeunes biologistes. C'est ainsi que je donne la parole à Relisath, une jeune pirate prometteuse.
On achève bien les jeunes biologistes…

La réforme de la biologie médicale aura fait couler beaucoup d’encre. Elle aura divisé les anciens, fédéré les jeunes, révolté les idéalistes, fait naître des débats aussi improbables que décisifs. Cette réforme suit l’endoctrinement général : compétitivité, rentabilité, globalisation, mondialisation, concurrence. Des mots qui sied cependant mal à l’Humain et plus particulièrement à la Santé mais toutes les anticipations sont vaines et la désillusion viendra en tant et en heure. D’ici là, les responsables politiques auront changé et nous serons sans doute tenus pour responsables de la dégradation d’une biologie médicale devenue une vulgaire activité de service.
On peut faire du commerce avec tout, c’est sûrement cela la force du 21ème siècle.
La question est : comment cela a-t-il été si facile ?

En employant des armes de destruction massive : clivage des générations, dont la démographie est propice à opérer de drastiques bouleversements, division des unités syndicales, attentat aux Ordres professionnels, mise en défaut de la qualité d’un nombre dérisoire de structure pour mettre au ban l’ensemble d’une profession, absurdes modèles comparatifs européens, publication des revenus moyens des directeurs de laboratoire, auto-entrepreneurs libéraux en voie de disparition, caracolant en tête des revenus des professions de santé, sans compter les mirobolantes perspectives de revente des parts de laboratoires restructurés…
Mais peu importe à présent, en 2010, il faut aller de l’avant, cesser de « chouiner » comme diraient certains, se retrousser les manches, affuter ses crayons et peut être aussi chausser ses lunettes de presbytes afin de rester dans la course. Il faut aussi savoir quelle biologie nous voulons. Car si elle se dit médicalisée, peu de moyens lui en sont donnés, les missions du biologiste vont en effet se multiplier mais pas les diplômes!…
Les jeunes sont plus déroutés que délivrés de leur internat : plus de possibilité de s’installer en libéral, des postes de préleveurs jusque dans des galeries marchandes, des montagnes de procédures à rédiger, du management, de la validation biologique délocalisée, des clauses de non concurrence, des statuts d’associés sans part de capital, des audits qualité… Dans ces conditions, il va devenir difficile de motiver la jeune génération à devenir biologiste. Car si la discipline médicale reste plus que jamais passionnante et en évolution constante, la manière de l’exercer (au rendement) risque de décourager plus d’un futur praticien. La réforme promeut excellence et qualité, elle risque au contraire de conduire la biologie à moyen terme vers le modèle industriel allemand, encensé dans les couloirs des décideurs par d’acharnés lobbyistes, sans tenir compte des exhortations désespérées des responsables de la profession.
Notre spécialité n’a pas d’avenir si sa réforme désespère d’avance ses plus jeunes praticiens et joue le jeu de la finance, qui achète jusqu’aux consciences des plus anciens, gardiens de la mémoire de notre discipline. Naïvement, lorsque Relisath a commencé ses études, elle pensait compagnonnage, confraternelle transmission du savoir, cession éthique de patientèle, elle aurait été un des maillons de la chaîne des professions de santé, une génération fière parmi d’autres d’exercer une profession un peu à part.
Comme le monde a changé en si peu de temps…
C’est donc avec toute l’énergie et le naïf espoir de la jeunesse que je reste fidèle à mon engagement pour 2010 : une biologie déontologique, exercée par les professionnels et dédiée aux patients. Qui m’aime me suive…;-)
Je ne sais pas ce que vous en pensez mais moi j'apprécie.
A ta santé Relisath (tu as intérêt à être aussi performante en biologie qu'en rhétorique, c'est le seul conseil que je te donnerai).
GdM
alias Cyril Caïman lors du Tonus des Pirates de 1997 à l'AP-HP.