lundi 28 septembre 2009

Grippe A/H1N1 : Tests rapides ou pas ?

Le débat agite actuellement les praticiens de terrain et notamment les biologistes : les tests rapides sont-ils utiles dans la prise en charge des patients suspects de grippe A/H1N1 ? En effet, la décision de confier la confirmation virologique aux laboratoires de référence (8 en France) a été prise au cours de l'été dernier par le Ministère de la santé ; elle ne concerne que certaines situations à risque. La surveillance de l'épidémie se fait ainsi sur des groupes sentinelles. Résultat : l'estimation du nombre réel de cas de grippe A devient terriblement difficile avec des chiffres qui varient du simple (5000 cas/semaine, InVS) au quadruple (20000 cas/semaine, GROG) d'après une équipe de microbiologistes marseillais.

Cette même équipe vient de publier sur le Site PLOS Currents Influenza un papier fort intéressant qui vient éclairer le débat. Ils ont testé pendant deux mois près de 1000 prélèvements naso-pharyngés issus pour l'essentiel des services d'urgence adultes et pédiatrie d'abord avec un test rapide (Becton Dickinson) puis par qRT-PCR (technique one-step du CNG Lyon sur SmartCycled/Ceipheid). Le résultat du test rapide est rendu entre 1 et 2h, celui de la qRT-PCR entre 4 et 7 heures après reception des prélèvements. Les résultats ont ensuite contrôlés par une double qRT-PCR (Smartcycled/Ceipheid + Technique SyberGreen de Ninove et al. sur Mx3005p de Stratagene ou LC480 de Roche).


Le papier apporte des données nouvelles :


- Les tets rapides et la qRT-PCR ont été réalisés par un laboratoire d'urgence dédié spécifiquement à la microbiologie qui peut traiter 36 échantillons par 24h,


- Les tests rapides ont montré une sensibilité de 63% et une spécificité de 100% pour le nvH1N1 2009 et la qRT-PCR une sensibilité de 84% et une spécificité de 100%,


- Le nombre global de tests positifs pour la grippe A/H1N1 a été de 6.6% sur un bassin de population qui recouvre 9 départements du Sud-est.


Indépendamment de la discussion des auteurs que je vous laisserai apprécier, il est intéressant de noter que la sensibilité du test rapide utilisé est de 63%. Ce chiffre est dans la fourchette haute compilée par le CDC (entre 40 et 69%) à la différence près que l'étude marseillaise porte sur un nombre nettement plus important de prélèvements. Il est tout aussi intéressant de noter que l'incidence de la grippe A/H1N1 sur l'échantillon français est de 6.6% ce qui laisse donc 93.4% des patients qui consultent aux urgence pour signes respiratoires indemnes de grippe A ! Ils peuvent donc, en théorie, repartir chez eux.


Au final, les microbiologistes marseillais proposent une organisation et des outils qui seraient pertinents à la fois pour prendre en charge les patients sur le terrain mais aussi pour répondre à la problématique épidémiologique. Et donc à la question : un test rapide d'une sensibilité de 63% est-il utile en situation d'épidémie ? je me garderai d'y répondre, laissant celà à d'éminents experts, mais j'ai déja ma propre opinion en tant que praticien...


GdM


PS : pour les puristes de la 15189, vous pouvez déja mettre cet article dans le dossier de validation de la méthode. Merci qui ?

lundi 21 septembre 2009

Biologie médicale et Maladie d'Alzheimer.

Aujourd'hui, 21 septembre, c'est la 16ème journée mondiale contre la maladie d'Alzheimer. Il y aurait, de par le monde, 35 millions de patients atteints et près de 850.000 en France. La presse en a abondamment parlé et google a recensé plus de 80 articles sur le sujet.
Cette journée est une excellente occasion de rappeler la recommandation professionnelle, publiée par l'HAS en mars 2008 (soit 1 mois après le discours d'intention du président à Nice) . Cette recommandation, qui traite du diagnostic et du suivi de la maladie d'Alzheimer et des pathologies associées, concerne plusieurs professionnels de santé y compris les biologistes. On peut croire, à priori, que les laboratoires ne sont pas concernés par cette pathologie, pourtant ils le sont bien et le texte de l'HAS le précise clairement.

Sans rentrer dans le détail, les examens biologiques du bilan initial sont classés en trois grades :
- Grade 1 : des examens simples pour rechercher une autre étiologie aux troubles cognitifs ainsi que les co-morbidités (ionogramme, glycémie, calcémie, créatinine, albuminurie, NFS et TSH) ;
- Grade 2 : des examens demandés devant des tableaux particuliers (biaan hépatique, sérologies syphilis, VIH, Lyme, folates et B12) ;
- Grade 3: analyse du liquide céphalo-rachidien avec recherche des marqueurs 14-3-3 et protéines Tau. Ces examens sont prescrits par des équipes spécialisées et réalisés par des laboratoires tout aussi spécialisés.

Les analyses de Grade 1 et 2 peuvent être réalisés par tout laboratoire mais pour plus d'efficacité dans la prise en charge des patients, ce laboratoire se doit de faire partie d'un réseau multidisciplinaire comme le propose le Plan Alzheimer 2008-2012. Mais pour ce faire, les biologistes devraient pouvoir se former. A bon entendeur,...

GdM



jeudi 17 septembre 2009

Pourquoi les Labos de ville ne font pas le diagnostic virologique de la grippe A/H1N1.

De nombreuses personnes se sont émues dans les médias (blogosphère comprise) du fait que les laboratoires d'analyses médicales de ville ne recherchent pas la grippe A sur les prélèvements de gorge. Ceci est parfaitement exact, pour les raisons suivantes :


primo, la technique de biologie moléculaire est réservée aux laboratoires spécialisés du réseau Grippe (2 ou 3 par région),

secundo, le prélèvement naso-pharyngé ne doit être réalisé :
- que dans des cas précis définis en début de semaine par le Ministère de la Santé,
- que par certains professionnels (établissements de santé et médecins du réseau Grippe),

tertio, le test de confirmation n'est pas remboursé ! En effet, deux PCR sont réalisées sur le prélèvement : une pour le type A et une autre pour la souche H1N1 pandémique. Le coût total avoisine les 200 euros (2 x BHN400 environ),


Durant l'été, il y a eu la possibilité pour les laboratoires de ville de réaliser des tests de détection rapides pour les patients. Ils ne sont pas recommandés pour deux raisons : leur sensibilité est faible et ils exposent inutilement les professionnels de santé à un risque élevé de contamination.

Par conséquent, ne tapez plus sur le biologiste ou la secrétaire de votre labo préféré s'il vous répondent qu'ils ne peuvent pas rechercher le virus de la grippe A sur le kleenex de votre petit dernier qui tousse.

GdM

dimanche 6 septembre 2009

Le Biologiste médical et les masques anti-grippe H1N1.

Nous avons tous bien compris qu’il y avait deux types de masques de protection en stock : le masque anti-projection (MAP) ou « chirurgical » et le masque FFP2 ou « bec de canard ». Quelle est leur place dans le laboratoire d’analyses médicales ?

Réglons tout de suite le cas du masque chirurgical. Il est destiné aux personnes ayant la grippe (ou supposées telles) et limite la propagation de gouttelettes de salive qu’ils émettent prévenant ainsi la contamination des sujets contacts. Aux laboratoires d’analyses, il serait utile dans les cas suivants :

- Les patients qui se savent grippés ou qui ont un doute (pour peu qu’ils aient la courtoisie de le dire) mais qui n’ont pas de masques pourraient en recevoir un dès leur arrivée au laboratoire.

- Les membres du personnel qui, au cours de leur journée de travail ressentent des symptômes grippaux (fièvre, toux, courbatures, fatigue subite…), mais qui ne peuvent pas quitter immédiatement leur poste de travail doivent mettre un masque. Il faut néanmoins savoir que dans ce cas précis, leur contagiosité a commencé 24h avant. C’est là que la cellule de crise intervient et déroule le plan de continuité d’activité (mais ça c’est une autre histoire).

Qu’en est-il du masque FFP2 ? Les choses semblent un peu plus compliquées.

Ces masques sont destinés à la protection des sujets contacts mais ils présentent plusieurs inconvénients. Ils sont souvent difficiles à supporter et doivent être changés toutes les quatre heures. Il est absolument exclu qu’un professionnel de santé se promène toute la journée avec un tel masque. Les sociétés savantes ont donc répertorié les soins à risque durant lesquels le port du FFP2 est recommandé :

- Intubation / Extubation

- Ventilation mécanique avec circuit expiratoire « ouvert »

- Ventilation mécanique non invasive

- Aspiration endotrachéale

- Fibroscopie bronchique

- Kinésithérapie respiratoire

- Aérosolthérapie

- Prélèvement nasal ou nasopharyngé

- Autopsie

Une seule de ces procédures concerne les biologistes : le prélèvement nasal ou oro-pharyngé.

Cette limitation de port pourrait être une solution au problème d’approvisionnement en masques FFP2 que connaissent les laboratoires d’analyses. En effet, ils ont été initialement « oubliés » par les autorités sanitaires lors de la distribution des dotations. Lorsque des biologistes ont contactés les DDASS et DRASS, certaines leur ont conseillé d’assurer leur propre approvisionnement comme pour les autres entreprises. Problème : les entreprises rencontrent actuellement des difficultés pour obtenir des masques comme le rapporte un article récent des Echos qui cite la CGPME « les pouvoirs publics ont asséché le marché en préemptant pour leur propre usage une grande part des produits fabriqués ».

Le Ministère de la santé aurait rectifié le tir en incluant les laboratoires parmi les destinataires des masques pré-emptés. Cependant en fonction des régions, les discours et pratiques ne sont pas encore harmonisés. Par exemple, dans un département du sud, les masques ne seraient destinés qu’aux biologistes mais pas aux techniciennes et secrétaires qui sont plus souvent au contact des patients.

Que faire alors s’il n’y a pas assez de masques FFP2 ? Un peu de bon sens, un respect strict des règles d’hygiène, un peu d’organisation (délimiter une « ZHDV » dans le laboratoire = zone de haute densité virale »)…et une excellente idée promue par une interniste américaine : éviter de porter ses mains au visage.

KW