lundi 28 décembre 2009

60 posts, 3 questions et une certitude.

C'est le 60ème et dernier post de l'année 2009 et plutôt que de me lancer dans une analyse ou un commentaire, je vais me contenter de jeter un œil dans le rétroviseur. L'exercice est très instructif. Ainsi dans le premier post de l'année 2009, je posais 3 questions :

"...quel sera le contenu définitif de l'article 20 de la loi HPST ? Quel sera celui de l'Ordonnance qui doit remplacer la loi de 1975 ? Quelle sera la marge de manœuvre de la profession ?"

La réponse à la première question est aujourd'hui simple : il suffit de lire le journal officiel.
La réponse à la seconde sera officielle dans moins d'un mois bien que la version V14.4 donne un très large aperçu du contenu de l'ordonnance.
La réponse à la troisième est plus problématique : la seule vraie, mais très mince, marge de manœuvre aura été l'interdiction de l'ouverture du capital. Elle est cependant menacée par la récente prise de position de la Commission Européenne.

[Juron !]. Ne gâchons pas cette période de fêtes qui permet de prendre un (petit) peu de recul. Je me dis qu'en 2010, quoiqu'il arrive, mon travail sera utile pour de nombreux patients et c'est déjà pas mal comme certitude !

Sur ce, je vous souhaite, Amis biologistes, une excellente fête de fin d'année.

GdM



vendredi 25 décembre 2009

Biologistes : Dernier Noël avant le grand saut !

Amis Biologistes, bonsoir.

Je profite d'un petit moment de calme en ce 25 décembre, pour vous souhaitez à toutes et tous d'excellentes fêtes de fin d'année. Ce sera les dernières de l'ère moderne de la biologie médicale qui a commencé (petit rappel pour les plus jeunes, j'y reviendrai) au début des années 1970. Dans un peu moins d'un mois, le Texte devrait paraître et nous saurons alors quelle sera notre feuille de route pour les 20 prochaines années. Durant les débats qui ont agité la profession cette année, il y a souvent eu quelques accrochages entre anciens et nouveaux/futurs biologistes. Durant cette trêve des confiseurs, je donne la parole à un Interne, fidèle lecteur de ce blog. Son recul et son ardent intérêt pour la biologie médicale l'honorent et ses propos contribueront sans aucun doute à rapprocher les opinions des uns et des autres.

"Voici un mail adressé à rue89 (étant de garde, j'avais un peu de temps :p) :

Le bel équilibre sur lequel repose notre système de sécurité sociale est sur le point de se rompre.

Coté personnel médical ou para-médical, le système "à la française" repose:

- sur la gratuité de la formation des acteurs médicaux ou paramédicaux (Facultés de Médecine/Pharmacie/
Odontologie, Ecoles d'Infirmiers/Kinésitherapeutes/Sage-femme, ..)

- des tarifs conventionnés (les acteurs formés "gratuitement" s'engagent à respecter les tarifs fixés par la Sécu s'ils veulent voir leurs actes remboursés)

- une système de responsabilité collégiale : Ordre des Médecins, Pharmaciens etc..qui sont les garants des bonnes pratiques des acteurs médicaux.

Ce bel équilibre risque d'être mis à mal par une condamnation récente de l'Ordre des Pharmaciens devant la Cour Européenne (condamnation assortie d'une lourde amende - on parle de 200 millions d'euros- qui signerait l'arrêt de mort de l'Ordre).

Cette condamnation fait suite à une plainte déposée par un groupe financier, qui, au nom du sacro-saint droit à une concurrence loyale et non faussée, estime qu'il est en droit de s'arroger un domaine qui couvre 5% des dépenses de Santé en France : la Biologie Médicale.

La Biologie Médicale est, en France, une discipline au coeur du système de santé :

- elle est fortement impliquée dans la démarche diagnostique (rôle de conseil auprès du généraliste avec qui elle entretient des liens très étroits) et thérapeutique

- elle bénéficie d'un maillage territorial important et efficace :la rentabilité d'un "petit laboratoire" étant jusqu'à présent assurée, il est rapidement et facilement possible d'en trouver un à proximité.

- les Pharmaciens et Médecins Biologistes sont légalement responsables des actes de Biologie et sont soumis, au même titre que les autres praticiens, à respecter les directives de leur conseil Ordinal respectif.

Les Laboratoires d'Analyse Médicale étaient, jusqu'à présent, propriété des Médecins ou Pharmaciens, formés "gratuitement" à l'université de la République, soumis à des obligations édictées par leur autorité ordinale et responsables devant la loi des actes qu'ils rendaient.

Jusqu'à maintenant...

Depuis la condamnation de l'Ordre des Pharmaciens (début Décembre), il en est tout autre : le secteur est OUVERTEMENT offert à la financiarisation.

Les Laboratoires ne seront plus la propriété de leurs responsables légaux mais celle de groupe d'investisseurs (pour la plupart étrangers) qui n'auront (n'ont) qu'un seul leitmotiv : RENTABILITE !

Avec à la clé :

- regroupement en Méga - Laboratoire (réduction du cout par analyse) et mise en péril du maillage territorial

- réduction drastique du personnel (techniciens, secrétaires, infirmiers en grande majorité)

- augmentation exponentielle du prix des analyses non remboursées

- salariat des Pharmaciens et Médecins Biologistes qui auront quand même la responsabilité LEGALE sans avoir la possibilité d'influer sur les choix de gestion (jusqu'au jour ou même grassement payés, ils n'en pourront plus de subir les conséquences légales d'une gestion principalement vouée à la rentabilité).

La Biologie Médicale est le premier secteur de notre système de Santé à être ouvertement et complètement offert aux financiers et vu le peu de réaction que cela suscite (médiatique mais aussi gouvernementale, gouvernement qui n'a pas l'air de s'en émouvoir outre-mesure), il est fort à parier que d'autres secteurs suivront (Radiologie, Cabinets de kinésitherapeutes..).

Alors : Sécurité Sociale : une mort programmée?


En espérant (avec peu d'espoir) d'être publié, mais qui sait :)

Totsaki"


Pas de problème, en attendant Rue89, Labmutation te publie.
Joyeux Noël Totsaki !

GdM





jeudi 17 décembre 2009

Le destin lié des Architectes et des Biologistes.

Pourquoi je parle d'architecture dans un blog de biologie médicale ? Au delà de mon goût certain pour cet art, il y a une convergence avec un dossier actuellement brûlant que les confrères et consœurs auront aisément identifié. Oui, je parle de la condamnation de l'Ordre des Pharmaciens par la Commission Européenne pour entrave à la concurrence. Il n'y a pas pour l'instant de confirmation officielle, les seuls qui ont communiqué à ce sujet sont le SDB hier et l'excellent blog du SJBM.

Les conséquences d'une telle condamnation, si elle venait à se confirmer, seraient lourdes, très lourdes pour la santé en général et pour la biologie en particulier. En attendant d'en savoir plus, je soumets à votre sagacité un article paru cette semaine le Figaro.

Je cite :

"La Commission européenne estime que [la] circulation [des biens et des personnes] est limitée par la loi française qui impose que l'architecture comporte impérativement une majorité d'architectes...les personnes morales non architectes, ne pouvant pour leur part, détenir que 25%. "

Le président du Conseil national de l'Ordre des architectes rappelle que les sociétés d'architecture ne sont pas des sociétés comme les autres. Elles sont inscrites au tableau de l'Ordre, obligatoirement assurées et soumises à des obligations déontologiques. Il estime que la transposition de la directive européenne sur les services va mettre fin à l'indépendance des cabinets d'architecte. Il lance un appel à Christine Lagarde, ministre de l'Economie.

Ça ne vous rappelle rien ?

GdM



mercredi 16 décembre 2009

Disparition de la biologie médicale au début du XXIème siècle : l'exemple français.

C’est le titre d’un travail de recherche qu’a présenté dernièrement Ali-Joshua Bristol devant la société d’archéologie clinique de Munich. J'ai récemment rencontré et interrogé cet historien sur les raisons pour lesquelles il a réalisé cette étude quelque peu atypique.

Selon votre conférence, tout a commencé par une rencontre avec un Collègue français.
AJB -Tout à fait. Ce collègue, issu du sud de la France, m’a transmis quelques notes dont il savait qu’elles allaient m’intéresser. C’était les transcriptions d’un entretien qu’il avait eu avec un vieil oncle appelé GdM. Ce dernier racontait à chaque repas de famille et à qui voulait les entendre des anecdotes sur son premier métier aujourd’hui disparu.

Pourquoi étaient-elles intéressantes ?
AJB- En tant qu’historien de la santé, j’étudie les évolutions du modèle sanitaire mis en place en Europe durant le XXème siècle. La disparition d’une spécialité médicale qui a rendu autant service représentait pour moi un objet d’étude particulièrement instructif. Grâce au vieil oncle, j’ai eu une idée assez précise du quotidien de cette profession. Il faut savoir qu’à l’époque, les gens se rendaient dans un lieu appelé laboratoire, souvent proche de chez eux, pour faire ce qu’ils appelaient des analyses médicales. Du sang leur était prélevé le matin pour être analysé ensuite par des automates. Ils revenaient le soir même pour récupérer les résultats de ces analyses, imprimés sur des feuilles de papier. Bien sûr, je simplifie un processus qui pouvait être parfois beaucoup plus complexe. Mais comme aujourd’hui les choses sont tellement différentes, cette simplification est nécessaire pour bien visualiser le cœur de ce métier.

Que s’est-il passé ?
AJB- Pour bien comprendre parlons de chiffres. En 2008, la France a dépensé 170 milliards d’euros pour se soigner dont 4,5 milliards pour cette spécialité qu’est la biologie médicale. Le déficit de la Sécurité sociale était alors de 20 milliards d’euros. Il fallait tout tenter pour faire des économies, or à cette période, la biologie médicale était assaillie de toute part : par une plainte européenne, par un lobby qui prônait une biologie déréglementée, par certaines administrations qui voyaient d’un mauvais œil les revenus des biologistes, par l’accumulation des innovations techniques qui rendait la rupture inéluctable. De plus, son cadre réglementaire, qui datait de 1975, ne jouait pas en sa faveur. Je ne parle pas des biologistes qui n’ont pas vu ou voulu voir cette rupture arriver. Cette hypothèse reste difficile à démontrer car c’était une profession discrète, qui ne faisait pas de bruit. Les documents qui relatent leur « faits d’armes » sont très rares, j’en ai trouvé quelques uns qui concernent la loi Evin et d’autres, vingt ans après, rédigés par l’intersyndicale des biologistes contre la loi HPST.

Selon vous, qu’est ce qui a précipité la disparition de cette profession ?
AJB- La disparition ne s’est pas faite d’un coup. Il y a d’abord eu ce que j’appelle « la grande rupture » en janvier 2010. Deux textes fondateurs sont à l’origine de cette rupture : la norme ISO 15189 : 2007 et la version V14.4 de l’Ordonnance sur la biologie médicale. Le premier texte est normatif et le second est réglementaire. Ce qui a déclenché la réaction en chaîne est relativement simple : le second texte, apparu chronologiquement après, a rendu le premier obligatoire. Les conséquences ont été radicales. Pour bien comprendre de quoi il s'agit, il faut imaginer que le laboratoire du coin de la rue dont je vous ai parlé tout à l’heure devait en l’espace de 6 ans se transformer en prestataire de niveau international puisque c’est l’objectif même d’une norme internationale ISO (iso = en tout point identique). Le coût financier, en compétences et en charge de travail était tel que mécaniquement plus de la moitié des laboratoires ont dû fermer avant 2016. Les laboratoires se sont logiquement concentrés avec la mise en place d’une logistique impressionnante. La normalisation a été telle que les patients se faisaient prélever de la même manière partout en France, les valeurs de références pour les analyses étaient partout identiques et les comptes rendus étaient rédigés à l’identique du nord au sud. L’industrie du diagnostic a également beaucoup souffert car les biologistes sont devenus extrêmement exigeants. Du coup, deux géants se sont partagés le marché : les groupes Sioche et Remens car ils ont pu s'adapter aux nouvelles contraintes.

Les économies ont-elles pu être réalisées ?
(AJB sourit) - Revenons aux chiffres. Cette rupture a concerné 2,5 % du budget global de la santé. Si 50% d’économies sont réalisées sur la biologie, elles ne peuvent diminuer le budget global que de 1,25%. Fallait-il tout changer ? Je vous laisse le soin de répondre.

Que s’est-il passé ensuite ?
AJB- Ce n’est pas très clair. Nous manquons de données précises mais la population a continué de vieillir consommant de plus en plus d’examens. Les industriels se sont regroupés et ont augmenté le prix de leurs automates, réactifs et prestations. De fait, il est probable que les économies d’échelle réalisées aient été vaines. Par ailleurs, l'Ordre des pharmaciens qui est un des piliers de la profession a été secoué par l'instruction européenne et ceci a peut-être eu un impact sur la suite des évènements. Mais nous continuons la recherche de documents de l’époque pour le confirmer.

La biologie médicale a finalement cessé d’exister en tant que telle.
AJB- Oui. Aux alentours de 2030, le concept même de laboratoire a disparu laissant la place aux « with you », ces boitiers qui nous accompagnent partout et qui, entre autres fonctions, surveillent en permanence nos paramètres vitaux. Mais ça c’est du présent, cela ne m’intéresse pas beaucoup. (Deux bips différents retentissent). D’ailleurs mon « with you » me signale que je dois manger mais en diminuant ma ration de lipides. Que dit le vôtre le vôtre ?

Que mon taux de sérotonine s’élève. Vous êtes libre pour dîner ?
AJB- Absolument. Je vous raconterai une autre histoire passionnante, celle de la radiologie.


Sandra Yuan-Riviêre.
Mars 2043, pour European e-News.

Mes amis, j'ai enfin mis la main sur les textes de la version V14 de l'ordonnance et de la norme 15189 : 2007. J'ai comme l'impression qu'on a pas finit d'en entendre parler ! L'avenir nous le dira bien.
GdM