jeudi 7 mai 2009

Loi HPST : le Sénat ne change pas une virgule à l'article 20.

Pour être plus précis, la Commission des affaires sociales a adopté le texte de l'article 20 tel qu'il a été voté par l'Assemblée nationale. Ceci signifie, entre autres, que l'ouverture du capital est toujours exclue.

Avant d'examiner le détail des amendements déposés par les Sénateurs, il convient de souligner que les travaux de la Commission ne sont pas tenus dans la sérénité qu'on attribue volontiers aux sages sénateurs. En effet, les élus se sont plaints des conditions dans lesquelles ils ont eu à examiner le texte. Ils ont ainsi inauguré une nouvelle procédure d'examen des textes alors que le contexte ne s'y prêtait pas vraiement : une loi copieuse (102 articles), politiquement et socialement compliquée à gérer, 1400 amendement déposés. Ajoutez à ça un planning serré puisque la commission n'avait prévu qu'une journée de débat ( il en a fallu quatre au total) et un Ministre présent durant les travaux de la commission alors que ce n'était pas le cas auparavant (qui parle de "pression du gouvernement" ? La dépêche APM HMME6002). Vous obtenez ainsi des sénateurs de tous bords très très mécontents.

Revenons à la réforme de la biologie et à l'article 20 destiné à l'organiser. En examinant le compte-rendu de travaux de la commission, vous pourrez vérifier par vous même que l'article 20 n'a pas été modifié par rapport à la version précédente. Celà ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'amendements déposés ou de discussion, loin de là. Il faut juste noter que pour les raisons évoquées ci-dessus, la discussion a été moins longue qu'à l'Assemblée nationale.

Voici ci-dessous et en détail les amendements qui ont été déposés accompagnés de quelques mots de justification ou de discussion. Tous ces amendements ont tous été retirés (sauf un seul qui a été rejeté : il y a sûrement une nuance, ainsi si un sénateur ou assistant parlementaire pouvait nous faire un rappel au réglement, je lui en serait reconnaissant).

- Amendements n° 13 et 1074 : retrait de l'article 20. Les auteurs trouvent que la réforme par voir d'ordonnance n'est pas satisfaisante.

- Amendement n°670 (Groupe socialiste) : qualité et assurance qualité sous le contrôle de l'HAS. Les auteurs auraient visé l'accréditation obligatoire et le pilotage de la qualité par le COFRAQ.

- Amendement n°879 (rejeté): possibilité pour les vétérinaires de continuer à faire une spécialisation en biologie médicale. Le rapporteur a indiqué que cette spécificité française pourrait amener la Commission européenne à considérer que ce secteur est soumis au droit de la concurrence. (Note de l'auteur : je suis bluffé par cet argument, j'ai beau le retourner dans tous les sens, je n'arrive pas à saisir l'extraordinaire raisonnement juridique sous-jacent mais bon, je dois m'incliner car il s'agit d'un débat entre sénateurs...)

- Amendement n°671 (Groupe Socialiste) : autorité du médecin/pharmacien biologiste sur l'activité du laboratoire. Le rapporteur (et Mme la Ministre) ont rappellé que cet amendement est satisfait par la rédaction actuelle du projet d'ordonnance.

Il convient de s'arrêter un instant sur un "incident" de séance. Mme la Ministre venait juste de confirmer les propos du rapporteur au sujet de l'amendement précédent et notamment que le monopole de la direction des laboratoires par un professionnel est au coeur de l'ordonnance lorsqu'un sénateur, M. François Autain, prend la parole et fait valoir que [les sénateurs] ne dispose[ent] pas du texte de l'ordonnance à ce stade du débat. Que fait donc la Ministre ? Le compte-rendu dévoile le geste aussi inattendu que lourd de sens :

"Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre, remet à M. François Autain, à l'intention de la commission, le projet d'ordonnance".

Voilà donc cher(e)s collègues : le fameux texte qui va régir notre profession pour les 20 prochaines années est enfin sorti du cabinet du Ministre, il a été entre les mains de M. Francois Autain. Pourra-t-il le diffuser ? A voir. Passé ce moment d'émotion, les débats ont repris.

- Amendement n°1400 (déposé par le Rapporteur) : limitations des formes d'exercice possible (aux seules SCP et SEL). La ministre a défendu l'intérêt de certaines formes de sociétés commerciales.

- Amendement n°156 (Groupe UC) : libéralisation de l'accès au capital. (Il y a donc des sénateurs convaincus de l'intérêt pour la santé publique d'autoriser la biologie financière).

- Vient ensuite une série d'amendements déposés par le Groupe socialiste et qui concernent le coeur du métier. Ils ont tous été retirés.

n° 672 : limitation à 5 du nombre de sites ; n°673 : maintien des contrats de collaboration ; n°674 : possibilité pour les seuls médecins et pharmaciens de diriger un laboratoire ; 675 : limitation du nombre de sociétés exploitant un laboratoire dans lesquelles une même personne peut avoir des parts ; n° 676 : direction de chaque site par un médecin ou pharmacien biologistes associé exerçant a titre libéral, n°677 : détention de plus de 50% du capital et des votes par les médecins ou pharmaciens biologistes.

Au final, la commission a adopté l'article 20 sans rien en modifier. Il lui reste encore une journée de travaux (lundi 11 mai) où elle examinera les amendements extérieurs. Une surprise est certes toujours possible mais le temps imparti est tellement court que les débats vont sûrement se concentrer des sujets autrement plus chauds comme la réforme hospitalière.

GdM


7 commentaires:

Anonyme a dit…

Merci pour ce decorticage, c'est autrement plus clair que ce qu'on peut lire sur le site du sénat.

Un confrère.

Anonyme a dit…

Bonjour ,

Je confirme que l'accréditation va permettre à des centaines de LABM de fermer.
Accreditation appuyer par ballereau et ses amis de labco, et les autres qui n'ont pas besoin d'ouverture de capital pour s'implanter en france (près de 200 déjà)....

Anonyme a dit…

Merci pour cet article,

voici quelques précisions
* retiré : amendement n'ayant pas été voté parce qu'il a été retiré par ses auteurs
* rejeté : non adopté (vote en faveur non majoritaire)

Un (jeune) confrère.

Alain a dit…

Bonjour,
Merci encore cher GDM pour la clarté de vos posts, ce qui n'est vraiment pas évident vu la complexité de la création des textes législatifs de notre beau pays...
Ainsi donc le projet d'ordonnance existe, autant dire que l'ordonnance existe déjà. Dans ces conditions, on peut se demander à quoi sert ce débat sénatorial où la majorité si je ne m'abuse est UMP ? Les amendements déposés auraient mérité un peu plus d'attention de la part de nos sénateurs mais subissant la pression gouvernementale sur cette loi HPST, ils ne peuvent ou ne veulent pas trop débattre dessus. Et puis, soyons objectifs, qu'est ce que la biologie médicale par rapport à l'hôpital, un tout petit article de 5 ou 6 paragraphes dans une loi qui en comporte plus de 100 ?
Attendons maintenant de voir cette fameuse ordonnance. Une nouvelle ère commence et je crains fort, mais cela je l'ai déjà dit, qu'elle ne soit assez néfaste à notre profession.
Bon courage à tous.

Anonyme a dit…

Si la loi est ainsi acceptée par le sénat, devra-t-elle repasser par l'assemblée nationale dans la mesure où les textes votés par les deux assemblées sont différents ? Autrement dit, c'est pour quand l'application de cette ordonnance de l'article 20 ?

Un jeune confrère

GdM a dit…

@Anonyme :

Votre question est très pertinente. Il se trouve que les amendements concernant la gouvernance hospitalière que veut apporter le gouvernement vont modifier l'esprit du texte adopté par les députés. Ces derniers veulent que le texte ainsi amendé repasse devant l'Assemblée nationale (au nom d'une rivalité ancestrale entre les deux chambres). Pour que cela puisse se faire, il faut que la procédure d'urgence soit levée or le gouvernement ne veut pas retarder la réforme ! Dans ce cas de figure, l'ordonnance devrait paraître à la fin de l'année. Si le gouvernement cède à la demande des députés, la loi HPST risque d'être adoptée début 2010 ce qui remet mécaniquement la parution de l'ordonnance mi-2010. Soit dans un an ! La profession ne peut vraiment pas attendre tout ce temps.
Ci-joint une dépêche toute chaude qui traite du "coup de chaleur" des députés [copier-coller le lien]
http://tempsreel.nouvelobs.com/depeches/politique/20090513.FAP1838/hopital_les_deputes_veulent_avoir_le_dernier_mot.html

Anonyme a dit…

C'est reparti aujourd'hui pour le vote de la loi BACHELOT...wait and see...L'accreditation sera un coup dur pour les LABM de proximité. L'ouverture du capital est l'arbre qui cache la forêt..et les labm indépendants ne peuvent rien y faire....