jeudi 18 décembre 2008

Réforme de la biologie médicale : l'argument européen n'est plus insurmontable.

L'administration européenne a-t-elle une vision globale des démarches et projets qu'elle entreprend, notamment dans le domaine de la santé ? A la lecture du Livre Vert relatif au personnel de santé en Europe que vient juste de faire paraître la Commission des Communautés Européennes, on se pose sérieusement la question.

Ce livre vert part du constat que les systèmes de santé européens sont confrontés à des défis majeurs et notamment le vieillissement de la population. Il vise à mettre davantage en évidence les difficultés auxquelles le personnel de santé doit faire face (premier objectif) et à définir en conséquence les domaines dans lesquels la commission estime que des mesures ultérieures peuvent être prises (deuxième objectif).

A ce stade de la lecture, mon cortex pré-frontal dans lequel se logent mes réflexes de biologiste acquis après des années de formation et de pratique (si ça se trouve, ils s'entassent ailleurs mais je dis ça car il semblerait qu'aujourd'hui, il y ait des biologistes qui ont le droit d'exercer en libéral sans DES ni CES mais ceci est un autre débat...)...où en étais-je ?...ah, oui mon cortex pré-frontal commence à s'allumer car il pressent que la suite va très probablement concerner la biologie médicale.

Bingo ! Page 5, le festival commence. Le document définit précisément le cadre et la base juridique de l'action de la Communauté dans le domaine de la santé publique : " L'article 152 du traité CE prévoit que [son] action respecte pleinement les responsabilités des États membres en matière d'organisation et de fourniture de services de santé et de soins médicaux". Il est aussi précisé plus loin que cette "action est donc destinée à compléter les politiques nationales" Dans ce cas, pourquoi est-il fait obligation à la France de faire ouvrir le capital des laboratoires de biologie ? Pourquoi l'Ordre des pharmaciens fait-il l'objet d'une enquête européenne ? La France n'est elle plus libre d'organiser la biologie médicale comme elle le souhaite ?

Le document entre ensuite dans le vif du sujet avec le premier problème à résoudre : celui de l"a démographie et de la promotion de la pérennité du personnel de santé". Parmi les actions possibles, sont citées (page 7) :

- "Offrir de meilleures conditions de travail aux professionnels de la santé, accroître la motivation et améliorer le moral du personnel"
- "Organiser le traitement des maladies chroniques et la fourniture de soins de longue durée plus près du domicile ou dans des structures de proximité"

A ce stade de la lecture, je commence à me frotter les yeux. Je ne vais pas faire des effets de style. Soyons directs : Le modèle de la Biologie financière qui va nous être imposé, en grande partie à cause de la procédure européenne, est-il compatible avec ces objectifs louables ? A l'évidence, non !

A la page 14, le document m'échappe des mains (oui, je suis de la vieille école, je l'ai imprimé pour pouvoir l'annoter avec mon crayon à papier bien taillé). Il y est question du "rôle des employeurs du secteur de la santé au sein de la main-d'oeuvre". Il semblerait donc que "certains professionnels de santé,..., sont en même temps des employeurs qui gèrent leur propre cabinet ou centre médical et ont des salariés". Le document précise que la Communauté est persuadée du rôle fondamental des PME dans la dynamique de la croissance économique et a mis en place une initiative qui leur est destinée en priorité, le "Small Business Act". Or justement, "les employeurs du secteur de la santé peuvent contribuer à consolider la croissance européenne et à stimuler l'innovation, le développement local, la formation et l'emploi, tout en participant à l'amélioration de l'accès aux soins".

N'en jetez plus ! Le projet de réforme de la biologie, et notamment l'ouverture du capital et le regroupement forçé des laboratoires, est en totale contradiction avec ces objectifs européens.

Au final que faut-il en retenir ? Surtout que la profession tient avec ce Livre vert un excellent argument de contre-lobbying mais également une possibilité de communiquer directement avec la Commission puis qu'en dernire page du document "elle invite toutes les organisations intéressées à envoyer leurs réponses aux questions abordées...au plus tard le 31 mars 2009 à l'adresse suivante : "SANCO-health-workforce@ec.europa.eu". Une occasion unique que devrait saisir l'Intersyndicale des biologistes.

Et comme une bonne nouvelle n'arrive jamais seule, d'autres arguments et actions sont venus en renfort cette semaine et vous en avez sûrement entendu parler :

- la conclusion devant la Cour de Justice européenne de l'Avocat général Bot dans deux séries d'affaires relatives au régime de propriété des pharmacies selon laquelle "la détention et l'exploitation d'une pharmacie peuvent être réservées aux seuls pharmaciens".

- la possible plainte que l'Ordre des pharmaciens envisage de déposer contre la Commission européenne suite à la perquisition dont il a fait l'objet au mois de novembre.

Après un automne sombre où les attaques ont plu sur la profession, voilà que la trêve des confiseurs lui apporte de solides arguments pour négocier sur l'ouverture du capital avec le législateur. En effet, l'excuse européenne avancée par Mme Bachelot a dorénavant plusieurs épines dans le pied : Livret vert , Small Business Act, Conclusions de l'Avocat général Bot, Procédure probable de l'Ordre des pharmaciens...

Excellentes fêtes de fin d'année et bon courage aux Biologistes de garde.

GdM








jeudi 11 décembre 2008

Petit autosatisfecit

Chers amis lecteurs, grâce à votre fidélité et à vos commentaires, le blog de votre serviteur a été mis à l'honneur aujourd'hui par le site Paperblog. Outre mon égo qui a été brièvement flatté (oui, je le reconnais !), cela a contribué à rendre plus visible le risque de la financiarisation de la santé en général et de la biologie médicale en particulier, risque que notre profession dénonce depuis déjà plusieurs mois.
Encore merci.

GdM

mercredi 10 décembre 2008

Il est indispensable de modifier l'article 20 de la loi HPST.

La loi HPST est passée devant le Conseil des Ministres le 22 octobre dernier et comme je l'avais promis dans mon post d'alors, je reviens sur la version définitive de l'article 20 qui concerne la réforme de la biologie médicale. Il a subi des modifications par rapport à la version de travail qui avait circulé avant le Conseil.

Voici donc le texte intégral et les éléments de comparaison avec la version précédente :

"Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi, toutes mesures relevant du domaine de la loi, réformant les conditions de création, d’organisation et de fonctionnement des laboratoires de biologie médicale et visant à :

Le chapeau n'est pas modifié.

Harmoniser les dispositions applicables aux laboratoires de biologie médicale publics
et privés ;

Disposition non modifiée.

2° Mieux garantir la qualité des examens de biologie médicale, notamment en mettant en
place une procédure d’accréditation des laboratoires ;

Disposition non modifiée.


Définir les missions du biologiste, du laboratoire de biologie médicale et du personnel technique dans le cadre du parcours de soins du patient, en assurant l’efficience des dépenses de
santé ;

Disposition modifiée. Dans la version d'origine, il était question de " compléter les missions du biologiste et laboratoire...etc". Nous passons donc de la notions de complément à celle plus radicale de définition. Le personnel technique a été englobé dans cette redéfinition.

Instituer les mesures permettant d’assurer la pérennité de l’offre de biologie médicale
dans le cadre de l’organisation territoriale de l’offre de soins ;

Disposition non modifiée.

Eviter les conflits d’intérêts et garantir l’autorité du biologiste responsable sur l’activité scientifique et technique du laboratoire de biologie médicale et ses investissements en matière médicale ;

Assouplir les règles relatives à la détention du capital ;

Ces deux dispositions ont été modifiées alors même qu'elles représentent le cœur du problème.
Dans la version originale, elles étaient regroupées dans une seule disposition que voici :
"assouplir les règles relatives à la détention du capital tout en évitant les conflits d'intérêts et en garantissant le rôle central du biologiste dans les instances dirigeantes du laboratoire de biologie médicale".
Les auteurs ont certes allégé le style en se débarrassant des participes présents mais dans cette opération de nettoyage grammatical, ils ont dépouillé le biologiste. Je t'embrouille, ni vu, ni connu. Le "rôle central du biologiste dans les instances dirigeantes" devient "responsabilité sur l'activité scientifique et technique". Ce n'est absolument pas la même chose. Et pour assurer le contre-poids présent dans la version initiale, les auteurs souhaitent "éviter les conflits d'intérêt" et "garantir ses investissements en matière médicale". Mais la construction est bancale car la source des conflits d'intérêt n'est pas claire puisque la détention du capital n'est abordée que dans la disposition suivante et la notion d' "investissement en matière médicale" est une grande inconnue, du moins pour moi (si vous l'avez saisie, expliquez-la moi dans un commentaire !).


Adapter les missions et prérogatives des agents habilités à effectuer l’inspection des
laboratoires de biologie médicale ;

Adapter le régime des sanctions administratives et pénales.

Ces deux dernières dispositions étaient à l'origine réunies en une seule phrase.

Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois
à compter de la publication de l’ordonnance.

Cette disposition est inchangée.

Le changement entre les deux versions est de taille et concerne principalement la place du biologiste dans "son" laboratoire. Cet article devrait donc être la cible principale du lobbying parlementaire et gouvernemental que mettent en place les représentants de la profession. Les syndicats des biologistes ont ainsi annoncé "qu'ils se réservaient le droit d'attaquer l'ordonnance devant le Conseil d'état". L'Ordre des pharmaciens milite depuis la rentrée pour sortir la question de l'ouverture du capital des laboratoires du champ de l'ordonnance. Il a d'ailleurs écrits aux députés et a tout récemment (28-11-08) adressé un courrier au Président. Quant aux académies de médecine et de pharmacie, elles ont jugé "inacceptable" la libéralisation totale du capital du laboratoire et demandent un moratoire. Les deux institutions s'interrogent aussi : " Pourquoi ne pas proposer une loi spécifique pour succéder à celle de 1975 et laisser le parlementaires débattre du sujet ?".

Qu'en est-il de l'opinion publique ? Pour l'instant la problématique de l'ouverture du capital est parfaitement inaudible surtout en ces temps difficiles. Par contre la fermeture des laboratoires, le déremboursement des analyses et les délais de rendus ou d'attente plus longs (contrôles des AVK, diabète, BNP, insuffisance rénale, FIV...) devraient plus marquer les esprits.

GdM


lundi 8 décembre 2008

Les actes FIV et ICSI seraient réalisés à perte par les laboratoires d'analyse médicale.

Dans une agence APM de ce jour, les BLEFCO (fédération des biologistes des laboratoires d'étude de la fécondation et de la conservation de l'oeuf) annoncent dans leur rapport financier annuel que les actes de FIV et d'ICSI seraient sous-côtés de 50%. Le Dr Patrice Clément, président des Blefco, déclare que ce chiffre de 50% n'est que le bas de la fourchette et que la sous-évaluation pourrait-être encore plus importante. Il déclare également que l'Agence de Bio-médecine, régulateur institutionnel de cette activité, va publier dans les semaines à venir un rapport qui confirmerait cette importante observation.
Le timing de l'annonce de nos confrères "Fivistes" est bon parce que les négociations conventionnelles vont bientôt s'achever et il en a filtré que les actes de la biologie de reproduction allaient encore baisser à la nomenclature.
Questions : Les laboratoires qui réalisent les FIV peuvent-ils se permettre de travailler à perte ? Si leur activité est menaçée seront-ils obliger de s'associer et de réduire leur nombre dans un département donné ? Si c'est le cas, les listes d'attente des patientes vont encore s'allonger or nous savons très bien qu'en matière de FIV...le temps, ce n'est pas de l'argent mais des bébés !
Remarque : ce raisonnement s'applique parfaitement à la biologie conventionnelle.
GdM

jeudi 4 décembre 2008

Après Capital, l'Express en rajoute une couche sur les laboratoires.

Dans un article publié hier sur son site, le magazine l'Express traite du déficit de l'Assurance maladie. Pour l'auteur, le déficit n'est pas seulement dû au vieillissement de la population mais également à un système mal organisé qui permet des petits arrangements, des abus et même des fraudes. Il cite pêle-mêle les arrêts maladies abusifs, les fausses ordonnances, les hôpitaux publics et, accrochez-vous chers confrères et consoeurs qui avez accueilli vos patients dès potron-minet, les fameux laboratoires d'analyses médicales. Pour être rigoureux, je reprends texto les quelques lignes de l'article consacrées aux labos :

"Les laboratoires d'analyse biologique sont montrés du doigt, souvent à juste titre : ils bénéficient d'importants gains de productivité, grâce à la quasi-automatisation des principaux examens remboursés. Mais ils ne les répercutent pas sur leurs prix. Chaque année, la Sécurité sociale négocie avec eux des baisses de tarifs (94 millions d'euros en 2007). « On est encore loin du compte », fait valoir un bon connaisseur du dossier."

Au moment où le Président de la République (ou ses conseillers ?) écrit à l'Intersyndicale des biologistes en réponse à leur courrier du 13 octobre dernier paru dans le Monde pour dire en substance qu'il a entendu leurs protestations concernant la réforme, voilà qu'"un bon connaisseur du dossier" les accuserait presque dans cet article d'abuser la Sécu. Les mêmes arguments et la même rhétorique que ceux de l'article de Capital sont utilisés à savoir : la notion de gain de productivité et le fait que les biologistes ne repercutent pas l'écart supposé entre le prix de revient des analyses et le tarif de remboursement par la Sécu. Cette rhétorique était celle du fameux rapport Lalande de 2006.

Pourquoi les journalistes ne prennent pas le temps de vérifier les informations à charge auprès des représentants de la profession ? Pourquoi ne laissent-ils pas la place au débat contradictoire ? Comment peut-on laisser supposer que tous les professionnels assermentés que sont les biologistes sont là uniquement pour s'engraisser sur le dos de la collectivité ? Pourquoi ne pas appliquer ce raisonnement aux radiologues qui ont eux aussi optimisé leur chaîne de production d'images sans répercuter sur leurs tarifs les gains supposés ?

Il y a eu durant les dernières années un déficit de communication des biologistes vers la population. Nous aurions dû mieux expliquer notre métier dont dependent 80% des décisions médicales. Et peut-être même investir les magazines féminins en envoyant nos plus "belles gueules" et plus charmants minois expliquer les avantages d'un laboratoire de proximité, humain et compétent (pas chez Marie-Claire où nous aurions déja été comparés à des compagnies low-cost black-listées).

Est-ce qu'il y a une norme ISO pour la communication ? Parce que tant qu'à suer sang et eau pour appliquer la norme 15189 autant en profiter pour améliorer l'image de marque de mon laboratoire en particulier et celle de la profession en général.

GdM