Amis Biologistes, bonjour.
Je vois vos sourcils se lever d'un air interrogateur : mais qui est donc Aurélie ? Aurélie est une Interne en 3ème année en biologie médicale et m'a contacté via le blog pour me donner son avis (engagé) de jeune biologiste sur la réforme en cours. Elle est directement concernée puisque l'année prochaine elle devrait exercer en tant que professionnelle et les perspectives qui lui laisse l'Ordonnance ne la réjouissent pas vraiment. Son discours, tant sur la forme que sur le fond, mérite à mon avis une large diffusion. Je lui ai donc proposé de un interview pour Labmutation, ce qu'elle a accepté à condition de respecter son anonymat. Chose promise, chose dûe.
Je vois vos sourcils se lever d'un air interrogateur : mais qui est donc Aurélie ? Aurélie est une Interne en 3ème année en biologie médicale et m'a contacté via le blog pour me donner son avis (engagé) de jeune biologiste sur la réforme en cours. Elle est directement concernée puisque l'année prochaine elle devrait exercer en tant que professionnelle et les perspectives qui lui laisse l'Ordonnance ne la réjouissent pas vraiment. Son discours, tant sur la forme que sur le fond, mérite à mon avis une large diffusion. Je lui ai donc proposé de un interview pour Labmutation, ce qu'elle a accepté à condition de respecter son anonymat. Chose promise, chose dûe.
GdM. Bonjour Aurélie, allons droit au but, voulez-vous ? Vous m'avez exprimé votre vive inquiétude au sujet de l'arrivée des groupes financiers dans la biologie médicale. Expliquez-nous pourquoi.
"La biologie libérale française, de par son exercice praticien, individuel et déontologique est une exception européenne. C'est cette notion de laboratoire de proximité, cette exception française que nous pensons aujourd'hui menacée par l'arrivée de capitaux extérieurs dans la profession. Des holdings nationales et étrangères, des compagnies financières, sont attirées par la rentabilité promise par la concentration des laboratoires. Le seul objectif de ces groupes financiers est la rentabilité de leurs placements et la réalisation d'importants profits en restructurant massivement les laboratoires français. Ce marché représente des milliards d’euros et est rendu solvable par l’assurance maladie. Que demander de plus ? Et pour arriver à leurs fins, tout est bon : plaintes contre l’Etat français, perquisition de l’Ordre des Pharmaciens, intimidations, propagande dans la presse… Des méthodes indignes pour des soit disant altruistes du monde de la santé."
GdM- Selon vous, quelles conséquences cela pourrait il donc y avoir pour les patients français ?
"Soyons clairs. En industrialisant la profession, on va déconnecter toutes les phases de l’analyse médicale, les prélèvements vont faire des kilomètres par coursier pour rejoindre le lieu où ils seront analysés, faisant courir le risque de manquer les vraies urgences. La validation biologique se fera à distance, les biologistes en bout de chaine devront déléguer et engager leur responsabilité à toutes les étapes sans réellement pouvoir les maîtriser. Ces regroupements seront source de chômage pour des personnels de santé qualifiés, comme les techniciens de laboratoire. De nouveaux métiers vont apparaitre comme les manageurs, les directeurs de ressource humaine, les visiteurs médicaux, parfaitement inutiles actuellement. Les sites non rentables seront fermés ou déplacés du centre ville vers les zones industrielles. La baisse de nomenclature sera compensée par une hausse des volumes ce qui n’induira aucune économie pour la Sécurité Sociale. Le risque majeur est la sortie progressive du champ de prise en charge par l’Assurance Maladie des analyses médicales. Comment accepter à terme que la solidarité nationale aille alimenter en dividendes des fonds de pensions étrangers ? Les patients français étaient, et sont encore, satisfaits de leurs laboratoires d’analyse. On prend le risque de tout anéantir pour céder aux lobbyistes financiers qui vont constituer de vrais empires."
GdM- Comment comptez-vous, en tant que jeune biologiste, empêcher cette dérive ?
"Les jeunes biologistes, soutenus par l’ensemble des syndicats de biologistes ont été reçus à plusieurs reprises par le gouvernement afin de faire valoir la nécessité de préserver ce secteur de santé. Le préserver ne signifie pas le protéger dans une vision corporatiste du métier. Les biologistes sont prêts -et ils l’ont prouvé- à intégrer qualité, efficience et maîtrise des couts dans leur exercice quotidien dès lors que leur permet de rester maitre de leur décision et propriétaire majoritaire de leur outil de travail. Un décret d’application permettant de combler pour les professions de santé le vide législatif ouvert par l’article 5.1 de la loi n°90-1258 sur l’exercice en SEL des professions libérales. Prendre ce décret serait un geste fort : il fermerait la possibilité à des investisseurs extérieurs à la profession de contourner la loi pour réaliser des montages leur permettant de détenir jusqu’à 99% du capital des laboratoires."
GdM- Vaste programme ! Ce décret est reclamé depuis 10 ans et jusqu'à présent seuls les Avocats ont réussi à obtenir le leur. Qu'attendez-vous de concret pour 2010 ?
"Que l'Etat s’engage pour nous. Qu'il mette tout en oeuvre pour aller dans le sens d’un exercice praticien, indépendant et éthique pour notre génération. Qu’il donne à la France la chance de pouvoir maintenir ce réseau de laboratoires de proximité qui fait que chaque Français peut sans mal trouver un laboratoire d'analyses, et, surtout, un expert, passionné par son métier, à même non seulement d'effectuer les examens biologiques prescrits, mais surtout de le renseigner, le conseiller, le rassurer ou alerter son médecin en cas de nécessité. Les biologistes sont des praticiens qualifiés bac+10. Leur responsabilité professionnelle est engagée à travers les actes médicaux qu’ils réalisent. Ils veulent et doivent rester seuls maîtres de leur gestion et de leurs investissements, leurs préoccupations étant par essence même différentes de celles des financiers. La France peut et doit faire valoir son modèle d’exception que certains pays européens reconnaissent lui envier. Dans ces pays, la pression des holdings est telle qu’il leur est impossible de revenir vers une biologie à caractère plus humain. Ne commettons pas la même erreur."
GdM- Ok mais quand aurez-vous l'occasion d'exprimer vos revendications à la tutelle ?
"Et bien cher GdM, vous avez l'exclu pour Labmutation. Ce samedi 27 mars, une table ronde est organisée par la FNSIP avec Michel Ballereau à la Faculté de pharmacie de Paris V (4, avenue de l'Observatoire Paris 6ème - de 14h à 15h). Madame Bachelot a promis d'y participer en video-conférence. Les jeunes biologistes auront ainsi une belle occasion à saisir. "
GdM (nostalgique)- Je n'y serai hélas pas mais je compte sur vous pour tenir les lecteurs du blog informés.
"Promis. Laissez votre smartphone allumé"
Amis Biologistes, la relève est bel et bien assurée mais dommage que les anciens préfèrent céder leur laboratoire aux groupes financiers. Gardez le contact.
GdM
1 commentaire:
Bonjour à tous, pour avoir eu des échos d'un débat sur le sujet (avec la présence de Ballereau et des directeurs de LABM...) sachez que ces politiciens ont réussi à "endormir" ces directeurs.Le discours de Ballereau contenait tout et son contraire... Et la profession ne réagissait pas face à cela. j'ai demandé à 2 directeurs, pourquoi ils n'avait pas réagi. La réponse : "ils nous ont endormi avec des paroles sans queue ni tête et nous ne comprenions pas son bla bla.."
Donc attention Aurélie, ceux sont des politiques que vous aurez en face. Ils ont grande expérience des débats, et de la façon de les tenir pour manipuler des personnes...Voila ma maîgre contribution..
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