mardi 25 novembre 2008

Novembre noir pour l'Ordre des pharmaciens.

Le mois de novembre a été chargé pour la vénérable Institution du 8ème arrondissement puisqu'elle a dû batailler sur trois fronts ouverts en même temps.


Front I : Contradicteur = Ministère de la santé - Objet : Réforme de la biologie par ordonnance - Dates : du 4 au 7 novembre.

D'abord, les journées de l'Ordre où son président, Jean Parrot, a interpellé la Ministre de la santé sur la réforme de la biologie, laquelle lui a répondu que le processus "était irréversible". Ensuite, les JIB, où ses représentants ont encore une fois écouté les "arguments" de Mme Bachelot puis ceux, très peu rassurants, de Michel Ballereau, auteur du rapport éponyme. Ces événements ont déja fait l'objet de posts

Front II : Contradicteur = Commission Européenne - Objet : Entrave à la concurrence - Date : mercredi 12 novembre, 10h30.

Ce jour-là, des inspecteurs de la Direction Générale de la concurrence déboulent simultanément dans les locaux de l'Ordre et dans le laboratoire de Robert Desmoulins, actuel président de la section G (celle des pharmaciens-biologistes). Leur mission : recherher des preuves d'entraves à la concurrence sur "le marché des services "de biologie médicale. Le lendemain, Jean Parrot a exprimé, au cours d'une conférence de presse, la surprise et l'irritation de l'Ordre au sujet de cette perquisition. Les détails peuvent être consultés sur le communiqué de presse publié sur le site de l'Ordre. Avec du recul, deux questions viennent à l'esprit. La première : au niveau européen, la biologie médicale appartient-elle au champ de la santé ou à celui des services ? Je n'ai pas de réponse précise à cette question (si quelqu'un l'a, textes à l'appui, qu'il n'hésite à nous la fournir ici !) mais au vu du débat déja ancien sur les compétences requises pour exercer la biologie (le fameux Bac+3 minimum) et cette récente perquisition, la balance penche sérieusement du côté des services et donc de la concurrence. La seconde question : Pourquoi le laboratoire de M. Desmoulins a-t-il été perquisitionné ? Les services de la commission ont-ils pensé qu'il a tiré profit de sa position de régulateur pour écarter de potentiels concurrents ? Pour qui connaît un tant soit peu le fonctionnement de l'Ordre, l'idée paraît farfelue.

Front III : Contradicteur = Duke Street Capital - Objet : Rachat de Biomnis - Date : mercredi 19 novembre.

Une semaine après la perquisition, la routine reprend ses droits et Robert Desmoulins réunit la section G pour examiner l'un des gros dossiers de l'automne, le rachat de Biomnis par Duke Street Capital. Il n'y avait rien à dire, le montage financier est tout ce qu'il y a de plus légal et l'Ordre ne peut qu'avaliser le rachat.

Dans une dépêche de l'APM du 24/11/08, Robert Desmoulins fait le point sur le mois écoulé et déclare texto au sujet des trois fronts :

Front I : " Politiquement, toute la profession commence à être écoeurée" et " On commence à être un peu aigris devant l'absence de droit. Le président de la république fait de beaux discours sur le travail, mais sur le terrain, on fait la part belle aux financiers aux dépens des PME".
Front II : "Le gouvernement abandonne ses institutions car elles vont aller à l'encontre de la libéralisation".
Front III : " La loi ne veut rien dire du tout. On a plus aucun contrôle et rien à dire. On est impuissant. Si la société qui exerce la biologie est à l'extérieur du territoire français, nous n'avons [de fait] pas la possibilité de l'exclure" et " C'est une technique qui a déja été utilisée par d'autres comme Générale de santé ou Unilab. Il n'y a pas grand chose à faire pour résoudre ce problème par rapport au droit français".
Trois fronts ouverts en même temps, ce n'est plus une bataille, c'est une guerre. L'Ordre des pharmaciens a successivement exprimé sa surprise, son irritation puis son impuissance mais il semble vouloir continuer à se battre, comme l'a clairement indiqué son Président.
Les praticiens inscrits aux Ordres se plaignent toujours qu'ils ne servent à rien sinon à "pomper" une cotisation. Les pharmaciens peuvent être satisfaits du leur car si jamais cette guerre est perdue, ils ne pourront pas lui reprocher de n'avoir rien fait.

GdM

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Je ne peux me résoudre à un tel constat... Il faut continuer à lutter (puisqu'on parle de guerre...).
Le manque de mobilisation et de soutien exprimé par le reste des professions libérales (notamment radiologues, anapath et globalement médecins... bientôt directement concernés par l'ouverture du capital par jurisprudence...)me désole mais pour leur défense, ils ne se sentent pas concernés...comme nous pensions être intouchable encore il y a un an...et regardez où nous en sommes... Mettre une profession face à ses réalités réveille les foules mais souvent trop tard! Puisque Madame La ministre préfère sacrifier la biologie médicale pour protéger soit disant les autres professions libérales (sentiments exprimés aux JIB...) l'idée serait malheureusement de déposer une plainte au niveau européen comme l'a fait Labco contre l'ensemble des professions libérales... Avis à nos Ordres...Pourquoi ne sacrifier qu'une profession...Le but serait au moins de réveiller les autres professionnels. Si la société Labco commence par la biologie alors qu'elle ne cache pas ses intentions sur le reste (radiologie, anapathologie...), c'est qu'elle sait qu'une guerre se gagne bataille après bataille et que lutter contre une armée entière serait très difficile...

Anonyme a dit…

Encore merci pour la clarification que vous savez apporter sur ces événements.

Vous avez raison sur le Conseil de l'Ordre et sur sa étermination face aux attaques incessantes dont il est l'objet et qui malheureusement portent leurs fruits aujourd'hui.

Je me suis replongé dans votre post du 30/10/08 concernant le rachat de BIOMNIS par DUKE STREET CAPITAL et effectivement, cette acquisition sonne le glas de notre réglementation car elle est en complète contradiction avec la Loi de 1975 (même si je reconnais volontiers que cette Loi était complètement inadaptée aux structures BIOMNIOS et CERBA). Et, comme vous le faîtes remarquer l'autorisation d'un tel projet provient apparemment du Ministère des Finances et non du Ministère de la Santé. Celui-ci a t il été consulté à ce sujet ? En tout cas cela prouve que la "Biologie Financière" est une réalité et que les investisseurs peuvent commencer à étudier de nombreux projets de rachat de laboratoire.

Pour moi, en ce moment tout se tient quant à la dérégulation de notre profession. Maintenant, le gouvernement va t il continuer dans ces projets ? Sont ils prêts à lancer cette réforme qui serait la première aboutissant à la déréglementation totale d'une profession dite réglementée ? Si oui et si ils réussissent, quelle belle porte ouverte pour d'autres projets comme celui-ci !

J'ai été amené à m'entretenir récemment sur ce sujet avec un "assez haut" fonctionnaire de la Santé qui n'était pas au courant, m'a t il dit, de la problématique des laboratoires d'analyse médicale. Pour lui, l'ouverture du capital pourrait etre un bien car permettrait plus facilement l'intégration de jeunes et serait un facteur de qualité et de productivité. Tout ça pour dire que cette ouverure de capital est vraiment dans l'air du temps !

Et n'oublions pasl'autre arme dont ils disposent pour nous faire plier, je veux parler de la la nomenclature. Ces baisses, qui ne rapportent que des gouttes d'eaux dans l'océan du déficit n'ont elles pas d'autres finalités que celle de l'économie ? Comment parvenir à concilier les investissements nécessaires au fonctionnement de nos laboratoires, une juste rémunération pour tous et des actes de qualité avec des chiffres d'affaire en constante diminution ?
Je crains que petit à petit de nombreux labos, ne pouvant faire face à cette problématique se trouvent dans l'obligation de vendre à ces fameux tiers investisseurs qui seraient alors ravis de récupérer l'outil à bon prix et n'auraient pas trop de scrupules à réorganiser tout cela sans trop de préoccupations médicales ou sociales.

Et si je rajoute mon analyse précédente sur les réponses de la Ministre, j'ai encore plus la certitude que tout est déjà écrit.

J'espère quand même me tromper.

Bon courage à tous.

Anonyme a dit…

Revenons à l'article 152 CE: http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:12002E152:FR:HTML

"1) Un niveau élevé de protection de la santé humaine est assuré dans la définition et la mise en oeuvre de toutes les politiques et actions de la Communauté...."
"5) L'action de la Communauté dans le domaine de la santé publique respecte pleinement les responsabilités des États membres en matière d'organisation et de fourniture de services de santé et de soins médicaux." ...

Donc pas de plainte recevable, pas de perquisition abusive, pas de montages juridico-financiers non autorisés, pas de menaces de jurisprudence par la CJCE, pas de jeu des financiers avec la santé humaine...

GdM a dit…

@ Alain : Oui le Ministère des finances a été consulté pour le rachat de Biomnis tout comme il l'a été en 2002 pour le rachat d'une partie de Cerba par un fond d'investissement. J'espère avoir l'occasion d'en parler plus longuement. Quant à l'argument avancé par votre "contact" concernant la possibilité accrue qu'auront les plus jeunes à entrer dans le capital des labos, je n'y crois pas un instant.

@ Anonyme : Merci pour ce lien. Tout le monde se pose la même question. Puisque la santé est clairement du ressort des Etats pourquoi la biologie médicale est traitée comme un service ouvert à la concurrence ?
L'Ordre des pharmaciens a envoyé un argumentaire détaillé à la Commission, qu'il le rende donc public pour éclairer notre lanterne.